le Mécanisme des Impôts de IBN KHALDOUN
le Mécanisme des Impôts de IBN KHALDOUN
MECANISMES DES IMPOTS
Au début de leur histoire, les Etats tirent de gros revenus d'impositions nombreuses.
A la fin, l'assiette de l'impôt est importante, mais rapporte peu.
En effet, tant que la dynastie régnante suit les voies (sunan) de la religion, elle n'applique que les taxes prévues par la loi religieuse – les aumônes (sadaqât), la contribution foncière (kharadj) et la capitation (jiziya).
Or, il s'agit là de taxes en elles-mêmes peu élevées : la dîme (zakât) de l'argent est basse, celle des grains et des troupeaux n'est pas lourde, et il en va de même pour la capitation ou la contribution foncière. Tous ces impôts sont limités et leur taux ne peut être augmenté.
Quand une dynastie reste fidèle à l'esprit de corps et de supériorité elle repose sur le bédouinisme, c'est à dire sur l'indulgence, la générosité, l'humilité, le respect pour la propriété d'autrui, au moins dans la plupart des cas.
Aussi, les impôts individuels, dont l'ensemble constitue la recette fiscale sont-ils légers.
De la sorte, les contribuables sont énergiques et actifs dans leurs entreprises : ils cultivent davantage de terres, ce qui accroît le nombre des contributions foncières et, par suite, l'ensemble du revenu fiscal.
Là-dessus, la dynastie se renforce, les souverains se succèdent à sa tête, ils rivalisent d'astuce (kays), ils perdent le secret du bédouinisme (sirr-el-badawa) et sa simplicité, les qualités bédouines de modération et de retenue.
Le pouvoir royal apparaît, avec son despotisme et sa culture sédentaire portée vers le raffinement. Ses dignitaires adoptent des habitudes de « sophistication » (tahadhluq).
Noyés dans le bien-être et le luxe, leurs habitudes et leurs besoins se diversifient.
Du coup, ils augmentent les impôts individuels sur les sujets, les paysans, les fermiers et les autres contribuables.
Il leur faut obtenir un accroissement du revenu de l'Etat. Ils frappent de droits les opérations commerciales et disposent des douanes aux portes des cités.
Ainsi, les impôts augmentent régulièrement, proportionnellement (miqdba'ran ba'da miqdâr) à l'accroissement progressif (tadarruj) du luxe, des besoins et des dépenses de l'Etat.
Finalement, les impôts écrasent et surchargent le peuple. Ils deviennent une obligation et une tradition.
En effet, les augmentations ont été progressives, de sorte que nul ne sait exactement quel en est le responsable.
Elles sont comme une nécessité coutumière.
Plus tard, l'impôt dépasse les limites de l'équité . Du coup le peuple perd toute disposition pour le développement agricole (i'timâr).
Il compare, à son maigre revenu, les dépenses et les impôts de l'Etat, et il perd tout espoir. Beaucoup abandonnent la terre.
Le résultat est une baisse générale du revenu national, conséquence de la diminution des contributions directes.
Parfois, le fisc prétend se tirer d'affaire en augmentant le taux des impôts, jusqu'au moment où la limite du possible est atteint : le coût de l'agriculture est trop élevé, les impôts sont trop lourds et tout espoir de gain demeure théorique.
En conséquence, le revenu national continue à décroître et les impôts à augmenter – dans l'espoir que ceci compensera cela. Finalement la chute de la civilisation ('umrân) suit la disparition de toute possibilité d'agriculture (i'timâr), et c'est l'Etat en pâtit, puisque c'est lui le bénéficiaire du développement des terres.
Si l'on a bien compris ce qui précède, on verra que le meilleur moyen de développer l'agriculture, c'est de diminuer le plus possible les impôts sur les cultivateurs. De cette façon ceux-ci auront l'esprit d'entreprise, parce qu'ils seront mus par l'espoir du profit (manfa'a). Et Dieu est le Souverain Maitre.
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